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7 October 2019 Les frères Soleirol, histoire séculaire d'une confusion autour d'un collecteur en Corse
Patrick Bungener, Daniel Jeanmonod
Author Affiliations +
Abstract

Bungener, P. & D. Jeanmonod (2019). The Brothers Soleirol, a centuries-long history of a confusion on a collector in Corsica. Candollea 74: 209–216. In French, English & French abstracts.

Soleirol is a famous botanical collector well known for his plant collections in Corsica in the 1820's. Many scientific names of taxa have been dedicated to him. Although his herbarium specimens and letters have been signed by his surname alone and without his first name, the botanical tradition has given him the surname of Joseph-François (1781–1863). Our investigation shows that this botanist is in fact Henri-Augustin (1792–1860), the younger brother of Joseph-François. That conclusion is drawn on the analysis of his herbarium specimens, botanical literature, correspondence and biographical accounts. The Brothers Soleirol have followed a similar career in the French Army and had the same interests for art and botany. These similar ways of life have subsequently caused the confusion of their surnames. Our research shows that Henry-Augustin was the only one who collected plants in Corsica between 1820 and 1823 and visited about sixty localities from Cap Corse to Bonifacio through the large mountain ranges. As an important plant collector for Corsica, Soleirol has collected more than 5000 specimens that he has distributed or exchanged with other botanists. This paper highlights the activity of an amateur botanist at the beginning of the XIXth century. It honors Henry Augustin for his work after more than one century of confusion with his brother.

Introduction

Soleirol est un botaniste du XIXe siècle renommé pour ses récoltes de phanérogames et cryptogames en Corse, récoltes réalisées autour de 1820 à une époque durant laquelle très peu de naturalistes y ont herborisé.Il est reconnu pour avoir distribué ses échantillons à de nombreux botanistes réputés comme par exemple Jean Loiseleur-Deslongchamp (1774–1849), Camille Montagne (1784–1866), Esprit Requien (1788–1851) ou encore Augustin-Pyramus de Candolle (1778–1841) (Dayrat, 2003; Jeanmonod, 2017). Briquet (1910: LVI) affirme que «[l]es plantes corses de Soleirol constituent le plus vaste exsiccata corse qui ait été mis en vente: il comporte probablement plus de 3000 numéros pourvus d'étiquettes manuscrites et numérotées». Litardière (1953: 363) avance même pour l'herbier de Soleirol le chiffre de «plus de 4500 numéros pourvus d'étiquettes manuscrites et numérotées» incluant une série réduite de quelque 300 espèces distribuée en 1825. Pour Hariot (1901: 448), Soleirol serait même «le premier qui se soit occupé de récolter les champignons de la Corse».

Cette activité reconnue importante de Soleirol autour de la flore corse lui a valu une belle reconnaissance par ses pairs au travers de l'attribution de dérivatifs de son nom à plusieurs nouvelles espèces (avec les épithètes soleiroliana, soleirolii, soleirolioides etc.) comme à un nouveau genre, le genre Soleirolia de la famille des Urticacées. Toutefois, n'ayant rien publié en botanique, ce personnage reste d'une identification incertaine aujourd'hui.

Depuis plus d'un siècle, la littérature scientifique (Bonnet, 1901; Briquet, 1910; Dayrat, 2003; Arrigoni, 2006; Gamisans, 2009; Spitznagel & Wagner, 2011; Jeanmonod, 2017) comme les bases de données botaniques (p.ex. IPNI, 2019) accolent à ce collecteur le prénom de Joseph-François (1781–1863).

L'objet du présent article a pour but d'identifier précisément le collecteur de plantes corses que fut Soleirol et de relater précisément son activité botanique en Corse (période exacte, localités visitées et échantillons récoltés) à la lumière des sources historiques. Notre recherche a été menée dans trois directions: 1) l'étude de ses spécimens de son herbier corse; 2) l'étude de la littérature spécialisée et des bases de données botaniques; 3) l'étude de sa correspondance déposée aux Conservatoire et Jardin botaniques de Genève (CJBG) ainsi que des sources biographiques établies de son vivant ou juste après sa mort.

Notre étude rend compte de la confusion existante autour de ce personnage et des erreurs conséquentes établies sur son identité et aujourd'hui présentes dans un grand nombre de base de données botaniques. Les recherches menées autour de ce personnage nous ont amenés en effet à l'identifier au seul prénom d'Henri-Augustin (1792–1860), frère cadet de Joseph-François (Geneanet, 2019), celui-ci ayant été reconnu de manière erronée comme étant le collecteur de plantes corses. Ces recherches nous ont aussi permis d'évaluer la durée et les dates du séjour d'Henri-Augustin en Corse et de faire la synthèse des localités visitées, ces données de base n'étant jamais apparues avec précision.

1. Les spécimens de l'herbier corse de Soleirol

Etiquettes des spécimens

Les récoltes corses de Soleirol sont déposées aujourd'hui dans plusieurs herbiers comme G, G-DC, P, AV ou encore COI. Selon Vegter (1986), des exsiccata attribués à Soleirol seraient également présents dans d'autres herbiers (AWH, B, BM, CN, FI-W, GOET, LY, M, MPU, NA, NCY, NMW, PH et WAG). Les étiquettes de ces échantillons sont généralement très succinctes et ne portent que le nom de Soleirol, sans aucun prénom, incluant en sus parfois des dates et un laconique «Corse» comme seule information de localité. Les figures 1A et 1B présentent deux étiquettes de la main de Soleirol dont les numéros de récolte correspondent précisément à ceux énumérés dans une liste de plantes corses annexée à l'une de ses lettres (lettre du 20 juin 1826, Bibliothèque des CJBG).

Dates de récolte et nombre d'échantillons récoltés

Les dates de récolte, rarement indiquées, ne peuvent être prises en considération. En effet, seules quelques dates indiquant par exemple «mai 1820» (Fig. 1C) ou encore – et plus souvent – «juin 1822» (Fig. 1D) semblent bien avoir été transcrites par Soleirol lui-même et nous renseignent de facto sur sa période de séjour en Corse. La plupart des autres dates se rapportent incontestablement par leur graphie différente à l'année de réception du matériel dans l'herbier d'un botaniste autre que Soleirol (Fig. 1D–E). L'examen de scans d'herbiers présents en France (E-recolnat, 2019) et dans le catalogue des herbiers de Genève (CHG, 2019), parallèlement à l'étude effectuée de visu sur des spécimens non numérisés de G, nous a permis de constater que les dates notifiées sur les étiquettes s'échelonnent entre 1820 et 1869. Toutefois, seules les dates notées entre 1820 et 1823 proviennent incontestablement de la main de Soleirol. Les 256 échantillons d'herbier analysés de COI ne portent quant à eux aucune date (Santos & Sales, 2019).

Le nombre total d'échantillons récoltés par Soleirol reste très incertain, d'autant plus que ce dernier a distribué des doubles à de nombreux herbiers. Si Briquet (1910) et Litardière (1953) avancent les chiffres respectivement de 3000 et plus de 4500 spécimens, E-recolnat (2019) recense 654 spécimens de Soleirol dont 95 % de Corse, les 5 % restant étant en majorité dû à des erreurs de transcription ou d'interprétation. Quelque 136 et 156 spécimens de Soleirol (au minimum) ont été respectivement décomptés à G (incl. G-DC) et COI (CHG, 2019; Santos & Sales, 2019). Il faut préciser que Soleirol n'a pas récolté que des phanérogames, mais également de nombreux cryptogames (ptéridophytes, bryophytes, champignons (lichénisés ou non) et algues). Ainsi à P, 69 % des occurrences «Soleirol» sont des cryptogames (E-recolnat, 2019).

Fig. 1.

Étiquettes de spécimens d'herbier récoltés par Soleirol (A–E) et taxon dédié à Soleirol (F). A. Silene requienii Otth incorporé dans G-DC en 1824 sans doute par l'entreprise de Requien (graphies de Soleirol et d'Alphonse de Candolle); B. Euphorbia rigida Loisel. (graphie de Soleirol); C. Erica arborea L. récolté en mai 1820 (graphie de Soleirol); D. Phyteuma serratum Viv. récolté en juin 1822 et incorporé dans G-DC en 1824 probablement par l'entremise de Requien (graphies de Soleirol et d'A. de Candolle); E. Paeonia russoi Biv. incorporé dans l'herbier d'Ayasse en 1869 (graphie d'Ayasse); F. Soleirolia soleirolii (Req.) Dandy (Urticaceae). [A: Soleirol 107, G-DC; B: Soleirol 3820, P; C: Soleirol 9592, P; D: Soleirol s.n., G-DC; E. Soleirol s.n., G] [B–C: © Muséum national d'Histoire naturelle] [F: Photo: D. Jeanmonod]

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Le nombre total d'échantillons contenus dans l'herbier de Soleirol pourrait être calculé sur la base des numéros répertoriés sur les étiquettes originales certifiées de la main de Soleirol (cf. Fig. 1A–C). Cependant, il est difficile d'affirmer que ces nombres correspondent précisément à des numéros de collecte. Il est en revanche certain que ces numéros d'étiquettes de Soleirol, lorsqu'identiques et présents dans divers herbiers, sont relatifs à des taxons identiques récoltés à un même endroit. Le numéro de collecte le plus élevé mentionné dans E-recolnat (2019) est de 4498, alors que Soleirol lui-même indique un numéro de 5046 dans une de ses lettres proposant ses plantes de Corse (lettre du 20 juin 1826, Bibliothèque des CJBG). On recense même un numéro maximal de 5160 au sein des spécimens de Soleirol à COI. En conséquent, l'incrémentation de ces numéros semble plutôt suivre un ordre systématique qu'une succession de récoltes faites jour après jour. D'après nos recherches, cette incrémentation ne suivrait pas une numérotation d'une flore publiée (comme cela se faisait parfois), mais plutôt un catalogue d'entrées d'espèces agencées selon une classification donnée, une pratique courante chez les botanistes de l'époque comme Nathaniel Wallich (1786–1854) (Wallichv, 2019). Nous n'avons cependant pas retrouvé de preuves d'existence d'un tel écrit chez Soleirol.

En conclusion, Soleirol a donc probablement récolté en Corse quelque 5200 échantillons environ entre 1820 et 1823. Ces deux dates extrêmes de récolte sont d'ailleurs corroborées par Hariot (1901) qui rapporte que ses collectes corses de champignons sont datées entre 1820 et 1823 et conservées dans l'herbier de Camille Montagne, aujourd'hui déposé à P.

Lieux de récolte des spécimens

Les étiquettes portant une mention plus précise que le laconique «Corse» nous renseignent sur les localités visitées par Soleirol en Corse. Nous avons été surpris par le nombre important de celles-ci (une soixantaine) disséminées sur l'ensemble de l'île (Fig. 2), même si certaines mentions géographiques n'ont pu être localisées (Calvi sous la Caporata; Monte Braga près Vizzavona; Mont de Calenzana près Corte; Mont Capanelo près de Calvi; Monte Terribile; Forêt de la Gorgona près Calvi; Forêt de Porticolo; Vallée du Bambino; Vallée du pont d'Oneccani). Ces localités visitées ont sans doute impliqué de longues pérégrinations de Soleirol, car pour l'époque, autour de 1820, les routes ou pistes étaient peu nombreuses et les déplacements se faisaient essentiellement à cheval, à mulet ou à pied. Capitaine de génie basé à Calvi, Soleirol n'a pas pu faire de tels voyages sur le seul motif d'herborisation. Cette époque étant marquée en Corse par la construction de nombreuses routes sous la responsabilité de l'armée (A. Franzini, pers. com.), il a certainement été envoyé en mission à travers toute l'île et en a profité pour récolter partout où il passait.

Fig. 2.

Localités des étiquettes de Soleirol (du nord au sud). [légendes: 1: Tour de Sénèque; 2: Canione (Cagnano); 3: Cap Corse; 4: Bastia; 5: St Florent; 6: Ostriconi; 7: Lauzari (Lozari); 8: Ile-Rousse; 9: Algajola; 10: St Antonio (Sant'Antonino); 11: Belgodère; 12: Palasca; 13: Cap Rivellata; 14: Calvi; 15: Balagne; 16: Calenzana; 17: Monte Grosso; 18: Campitello; 19: Mte San Pietro; 20: Orezza; 21: Cervione; 22: Galeria; 23: Girolata; 24: Forêt de Perticato; 25: Mont Pertusato (Capo Tafonato); 26: Niolo; 27: Laquale (l'Acquale); 28: Valdonielo; 29: Corte; 30: Lac d'Ino (Nino); 31: Campotile; 32: Monte Rotondo; 33: Venaco; 34: Route d'Evisa à Vico; 35: Carghese; 36: Monte Doro; 37: Vizzavona; 38: Aleria; 39: Boucagnano (Bocognano); 40: Ajaccio sur la route de Sagone; 41: Potzo di Borgo (Pozzo di Borgo); 42: Ajaccio; 43: Entre Bastelica et Zicavo; 44: Mte Cochone (Coscione); 45: Incudine; 46: Serra di Scopamene; 47: Cuenza (Quenza); 48: Sartène; 49: Cania (Cagna); 50: Porto-Vecchio; 51: Mt Trinité; 52: Santa Manza; 53: Bonifacio; 54: Cap Spono (Sperone); 55: Cavallo; 56: Ile Lavezzi].

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La Balagne, notamment autour de Calvi, a été une localité particulièrement visitée par Soleirol ce qui semble logique puisque notre botaniste était basé dans cette ville. De là, il semble avoir abondamment visité les hauts massifs du Cinto et du Rotondo probablement en grande partie à pied. Il a aussi visité le Cap Corse, la Castagniccia (l'une des régions les plus peuplées de Corse à cette époque) et la région de Bonifacio y compris l'archipel des Lavezzi. De là, il a d'ailleurs dû faire une petite incursion en Sardaigne puisqu'il a récolté quelques plantes dans le nord de l'île. Il s'est manifestement rendu aussi à Ajaccio par la côte ouest depuis Calvi. Au vu des localités visitées dans le centre de l'île, on peut penser qu'il s'est rendu à Bonifacio en traversant les montagnes par Corte, Venaco, Vizzavona, Bocognano, Bastelica, Zicavo, Quenza et Porto-Vecchio, en explorant au passage le Coscione et les massifs de l'Incudine et de Cagna.

Soleirol a également récolté ailleurs, en France continentale, notamment à Metz selon Vegter (1986) et les données des spécimens déposés à P, mais ces récoltes-là ne semblent guère avoir été distribuées et utilisées.

Ainsi, même s'ils aiguillent sur certaines pistes (dates et localités de récoltes et localités) l'analyse des exsiccata de Soleirol n'aide toutefois aucunement à déterminer ni son prénom ni ses données biographiques puisqu'aucune des étiquettes examinées ne porte la moindre information à ce sujet.

2. La littérature et les bases de données botaniques

Soleirol a abondamment distribué ses échantillons à des botanistes renommés. Comme il a été l'un des premiers à herboriser en Corse (Jeanmonod, 2017), ses spécimens ont été fort appréciés et ils ont même permis la description de plusieurs nouvelles espèces. Soleirol lui-même n'a jamais relaté ses récoltes ou n'est pas connu pour avoir laissé un écrit en botanique. En conséquence, ce sont les botanistes à qui il a distribué ses plantes qui ont décrit ces nouvelles espèces. Suite à nos recherches dans les bases de données botaniques (IPNI, 2019; Tropicos, 2019), 18 taxons portent ainsi le nom de Soleirol (tableau 1 et Fig. 3). Si tous ces taxons (à l'exception d'Asplenium soleirolioides A.R. Sm.) poussent en Corse et sont pour la plupart des endémiques, les diagnoses qui leur sont liées ne font mention d'aucun prénom pour Soleirol, bien que ce nom soit toujours cité.

La littérature botanique contemporaine (Litardière, 1953; Vegter, 1986; Dayrat, 2003; Arrigoni, 2006; Gamisans, 2009; Spitznagel & Wagner, 2011; Jeanmonod, 2017) et les bases de données botaniques (CHG, 2019; IPNI, 2019; E-Recolnat, 2019; Santos & Sales, 2019) attribuent le seul prénom de Joseph-François au Soleirol collecteur corse. Ceci s'explique par le fait que les auteurs recopient bien souvent entre eux les données, et ce sans vérification aucune. Bonnet (1901), qui semble avoir été le premier à avoir assigné sans explication à Soleirol le prénom de Joseph-François, a été ainsi clairement repris par BRIqUET (1910: LVI) et, de là, par tous les autres auteurs qui lui ont succédé. Cette chaîne de répétitions sans vérification a fait que la majeure partie de la bibliographie institue aujourd'hui au seul Joseph-François Soleirol la paternité des importantes récoltes faites sur l'Île de Beauté.

Quelques auteurs cependant ont attribué le prénom d'Henri-Augustin avec les bonnes dates de naissance (1792) et de mort (1860) au Soleirol corse sans toutefois se justifier (cf. par exemple Brummit & Powell, 1992; Gledhill, 2002; Tropicos, 2019). Chez certains, cette information a cependant été modifiée ultérieurement mais sans explications. Ainsi Gledhill (2008), dans sa dernière édition, corrige-t-il le prénom de Soleirol en Joseph-François toujours sans justification aucune. On observe cette correction faite aussi chez IPNI (2019) depuis 2011 par son éditrice Rosemary Anne Davies sur le prénom original qui était Henri-Augustin. Aujourd'hui, seul Tropicos (2019) a conservé le prénom d'Henri-Augustin pour le Soleirol corse.

Tableau 1.

Taxons dédiés à Soleirol. [légendes: *: nommé sur la base d'échantillons de Soleirol; **: nommé en l'honneur de Soleirol; ***: nommé en raison de la ressemblance avec un taxon dédié à Soleirol]

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3. Sources biographiques et correspondance

Afin de régler ce problème d'identification du Soleirol corse, il nous a semblé nécessaire de remonter aux biographies et pièces de correspondance produites au plus près du vivant des frères Soleirol.

Autour de Joseph-François Soleirol (1781–1863)

Les notices nécrologiques consacrées à Joseph-François juste après son décès précisent qu'il est né le 23 juillet 1781 à Verdun, puisqu'il entre à l'École polytechnique de Metz pour y embrasser une carrière militaire dès 1802 où il obtient le grade de capitaine (Chabert, 1863; Thiel, 1863). Deux autres sources, soit les revues annuelles l'Annuaire militaire de France publiées entre 1819 et 1838 et l'Almanach royal de 1814 à 1830, recensent annuellement un «Soleirol (Joseph)» établi «à l'école d'artillerie et du génie» à Metz, et nommé, au moins dès 1819, «capitaine de 1re classe du Corps royal du Génie» puis en 1831 (le 16 janvier), «chef de bataillon», soit commandant.

Ces sources existantes du vivant de Joseph-François, ou peu après sa mort, ne mentionnent cependant aucunement une quelconque présence en Corse durant une période de sa vie. Elles indiquent plutôt qu'il ne quitte pas la ville de Metz en y restant attaché en qualité de professeur du cours de construction à l'École d'application d'artillerie et du génie dès 1814, et ce jusqu'en 1839 au moment de sa retraite. Si Chabert (1863) et Thiel (1863) font allusion à son goût de la botanique au travers de ses herborisations, ces sources mettent aussi en avant son grand intérêt pour la géologie et surtout la musique. Nommé associé-libre dès 1830 de l'Académie nationale de Metz, membre de la Société d'histoire naturelle de la Moselle, Joseph-François Soleirol a été aussi très actif au sein de la Société d'horticulture de la Moselle en étant son secrétaire de 1847 à 1853. A Metz, Joseph-François est domicilié à la «rue des Clercs n°38» au moins depuis 1830 (cf. Mémoires de l'Académie royale de Metz, 1829–1830, vol. 11, p. 42).

Autour d'Henri-Augustin Soleirol (1792–1860)

Anonyme (1861: 3–5) présente une courte biographie d'Henri-Augustin Soleirol signée par un énigmatique «SOL…», signature tronquée que nous avons interprétée comme étant celle de son frère Joseph-François encore vivant en 1860. En effet, les liens fraternels entre ce dernier et Henri-Augustin semblent avoir été forts, Chabert (1863: 6) relatant un «frère chéri».

Cette seule biographie découverte sur Henri-Augustin atteste qu'il est né à Verdun en 1792, qu'il a été admis à l'école polytechnique en 1810, puis à l'école de Metz en 1812 comme sous-lieutenant. De 1818 à 1820, il se constitue «une collection importante de plantes de l'Alsace et de la Lorraine» et reçoit l'ordre en 1820 «de se rendre en Corse» (Anonyme, 1861: 3). Cette mission militaire dans l'Île de Beauté menée depuis la ville de Calvi jouera un rôle important sur son activité de collecteur:

«Après trois ans de résidence à Calvi, il possédait un herbier contenant plus de cent plantes non décrites dans la flore française, et dont plusieurs, jusqu'alors inconnues, ont été désignées par les maîtres de la science comme étant le produit de ses explorations (Helxine soleirolii, Duby. Bot Gall. T. I. p. 413; H. in locis humidis Corsicae Soleirol, etc). Le grand nombre de doubles qu'il avait rapportés de cette île, peu visitée par les botanistes, le mit à même de faire des échanges et d'augmenter sa collection, qui comprenait environ douze mille plantes.» (Anonyme, 1861: 3–4).

Après ce séjour, Anonyme (1861) précise qu'il est placé dès 1835 à la direction militaire de Paris du fait sans doute d'une indisposition de poitrine. Il se passionne alors pour le théâtre et collectionne des portraits d'acteurs et d'ouvrages dans ce domaine tout en étant en parallèle un amateur de musique. Il publie deux mémoires liés au génie militaire et un ouvrage sur Molière.

Sur sa carrière militaire, l'Annuaire militaire de France entre 1819 et 1838 et l'Almanach royal de 1814 à 1830 informent qu'Henri-Augustin est nommé dès 1820 «capitaine de 2e classe du Corps royal du Génie», puis monte en grade comme «capitaine de 1re classe» en 1828, soit bien après son frère. Il est nommé comme lui, mais de manière décalée, «chef de bataillon» (soit commandant) à Paris le 23 novembre 1840.

Fait significatif recoupant l'information d'Anonyme (1861), l'Annuaire militaire de France signale sa présence en Corse et comme établi à Calvi en Corse de 1821 à 1823. Cette information est corroborée par l'Almanach royal de 1821 à 1822, qui indique toutefois pour 1823 qu'Henri-Augustin est basé à Thionville (près de Metz). Cette indication différente de localités où aurait été basé Soleirol est sans doute due au fait que celui-ci n'a quitté l'Île de Beauté pour Thionville qu'au milieu de 1823, ce que confirme l'analyse de sa correspondance.

Ses lettres attestent en effet de son passage dans l'Île de Beauté mais elles ne donnent cependant aucune information sur son prénom.Tout comme ses étiquettes d'herbier, elles sont signées laconiquement «Soleirol». Sa lettre datée du 6 juillet 1823 (Bibliothèque des CJBG) et envoyée de Thionville au botaniste genevois Augustin-Pyramus de Candolle (1778–1841) annonce ainsi son retour «il y a environ un mois» d'un séjour en Corse où il a «beaucoup herborisé», sous-entendant donc durant les années antérieures à 1823. Soleirol termine sa missive en annonçant son adresse comme étant la «rue des Clercs n°38» à Metz, qui se trouve être la même adresse que celle de son frère Joseph-François (Mémoires de l'Académie royale de Metz, 1829–1830, vol. 11, p. 42). Étant donné la complicité existante entre les deux frères rapportée par CHABERT (1863), il n'y a à cela rien de surprenant. Deux autres lettres de Soleirol datées du 8 mars 1824 et du 20 juin 1826 (Bibliothèque des CJBG) et adressées à Jean-Louis Bonjean (1780–1846) respectivement de Thionville et de Metz témoignent encore du passage de Soleirol en Corse par sa proposition d'envoyer à son destinataire quelques 1200 plantes qui y ont été récoltées.

Plusieurs autres sources mettent néanmoins en relation Henri-Augustin Soleirol, le passionné de théâtre, avec la Corse, comme HOUSSAYE (1861) qui relate la vente de son exceptionnelle collection de portraits ayant eu lieu du 29 avril au 2 mai 1861 (cf. Anonyme, 1861). Houssaye (1861: 1) le décrit ainsi comme «un capitaine du génie revenu de la guerre» à l'origine «de cette mascarade théâtrale», de cette «Flore des coulisses» en ayant réuni avec passion «un millier de portraits, comédiens, comédiennes, danseuses, cantatrices, baladins» et devenu «célèbre dans la science» en raison de ses nombreuses explorations botaniques en Corse.

La relation entre le botaniste et le collectionneur de théâtre Henri-Augustin Soleirol est aussi établie par Cap (1866) dans sa biographie du botaniste Camille Montagne. Cap (1866: 36–37) relate que ce dernier est entré en contact dès 1830 avec Soleirol, ce «capitaine du génie à Metz, collecteur ardent, qui avait habité la Corse assez longtemps et avait rapporté de belles plantes dont il lui adressa de nombreux échantillons». Présent à Paris dès 1832, Montagne y rencontrera à nouveau «le capitaine Soleirol avec qui il avait été en correspondance de Sedan à Metz et qui était devenu commandant de génie à Paris» (Cap, 1866: 39). Avec «son ami Soleirol», il partagera dans la capitale française des promenades et une passion pour le théâtre (Cap, 1866: 49).

Lasaulce (1843), en évoquant les deux frères Soleirol, donne de précieuses informations permettant d'identifier plus précisément notre botaniste étudié:

«La flore de notre contrée a eu aussi un habile explorateur dans M. le capitaine du génie Soleirol, frère de notre collègue, M. le commandant Soleirol. Il a indiqué les localités de plusieurs plantes rares qui n'y étaient point connues, et y a rassemblé les premiers matériaux du bel herbier qu'il a dû enrichir plus tard par les intéressantes découvertes qu'il a faites en botanique pendant son séjour en Corse.» (Lasaulce, 1843: 21).

Bien que n'indiquant aucun prénom, une fois de plus, cet auteur distingue clairement deux Soleirol en les appelant par leur grade militaire respectif, soit le «capitaine du génie Soleirol», le collecteur de Corse, et le «commandant Soleirol» qu'il précise comme étant son collègue à la Société d'histoire naturelle de la Moselle. Ce dernier s'apparente indubitablement à Joseph-François par son rôle connu dans la fondation de cette société savante à Metz en 1835 (Chabert, 1863; THiel, 1863). Thiel (1863) use d'ailleurs du terme similaire «commandant Soleirol» pour Joseph-François dans sa nécrologie, et Montagne (1833–1836: 5) du même qualificatif de «capitaine Soleirol» pour relater son ami botaniste, l'infatigable collecteur de Corse à l'origine des nombreux échantillons cryptogamiques de Corse conservés dans son herbier. Notons que Montagne se trompe dans sa désignation du grade militaire attribué à son ami Henri-Augustin, puisqu'à Paris, fin 1840, ce dernier est devenu commandant de génie.

L'activité botanique d'Henri-Augustin Soleirol est encore relatée par Holandre (1829, 1842) dans les deux éditions successives de sa Flore de la Moselle. Dans la première édition, Holandre (1829) n'annonce que le seul nom de Soleirol sans aucun prénom comme un collecteur botanique en Moselle. Dans la seconde édition, Holandre (1842) précise un prénom pour trois occurrences sur cinq du nom «Soleirol», soit celui d'«Auguste», l'abrégeant parfois en un «A.» ou un «Aug.». Que les frères Soleirol aient été ensemble ou séparément mentionnés comme collecteurs par cet auteur, son information corrobore de toute manière les propos d'Anonyme (1861: 3) relatant qu'Henri-Augustin a eu «la possibilité, dans ses loisirs, de former une collection importante des plantes de l'Alsace et de la Lorraine».

Conclusion

Grâce à diverses sources manuscrites ou imprimées, notre enquête a déterminé sans aucune ambiguïté qu'il avait donc existé deux frères Soleirol qui ont été botanistes, l'aîné Joseph-François et son cadet Henri-Augustin. A la lueur de nos analyses, seul cependant le prénom d'Henri-Augustin doit être retenu sous le mystérieux nom de Soleirol, collecteur de la flore corse entre 1820 et 1823, soit à un âge compris entre 28 et 31 ans. Les confusions faites par la suite entre ces deux prénoms pourraient être dues à deux raisons, la première, hypothétique, étant relative au désir des deux frères Soleirol de n'être mentionné par leurs pairs que sous leur seul nom de «Soleirol» ou sous leur grade militaire. Cette volonté aurait alors ajouté à la confusion préexistante due aux carrières parallèles militaires des deux hommes, certes décalées entre elles dans le temps, mais relativement similaires. La seconde raison apparait sans doute au travers de la ferme volonté d'Henri-Augustin de rester un collecteur botaniste discret malgré ses abondantes récoltes. En témoigne sa lettre à Joseph-Louis Bonjean (1780–1846) où il refuse la proposition faite par ce dernier de l'affilier à la Société helvétique des sciences naturelles:

«Je crois que cela ne peut m'être d'aucune utilité; ce ne serait que pour l'honneur. Or, je ne m'occupe de botanique que parce j'aime cette science avec passion et non pour me faire une renommée.» (lettre de Soleirol à Jean-Louis Bonjean, 8 mars 1824, Bibliothèque des CJBG).

Chabert (1899), publiant cette lettre des années plus tard, ne manque pas d'y relever avec ironie que sur la cinquantaine d'individus à qui la proposition avait été faite en parallèle, seul Soleirol l'avait déclinée. La modestie est sans doute une caractéristique partagée par de nombreux collecteurs amateurs qui, comme Soleirol, ont alimenté par leurs envois de plantes ou de graines les herbiers des botanistes les plus importants du XIXe siècle. Bien souvent, ces amateurs botanistes n'ont cherché en priorité par leurs envois qu'apprendre de leur destinataire des éléments de botanique taxonomique leur permettant de se distinguer dans leurs propres cercles sociaux (Easterby-Smith, 2018: 99).

Quant à savoir pourquoi BONNET (1901), et à sa suite de nombreux autres auteurs, ont choisi le prénom de Joseph-François pour l'accoler au Soleirol corse, cela reste un mystère. Il est possible que Joseph-François ait été simplement retenu par sa grande renommée acquise à la fois au travers de ses écrits comme par ses titres honorifiques académiques (membre honoraire de l'Académie impériale de Metz, secrétaire de la Société d'horticulture de la Moselle), et ses moult distinctions (chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, officier de la Légion d'Honneur).

La renommée de Joseph-François aura porté involontairement préjudice à son jeune frère. Plus d'un siècle et demi après la mort d'Henri-Augustin, il était temps de redonner à ce dernier tout le mérite qui lui revient pour son colossal travail de récoltes botaniques en Corse.

Remerciements

Nous remercions le Conservatoire botanique national de Corse, en particulier Laetitia Hugot pour avoir interrogé l'historien Antoine Franzini, ainsi qu'Alain Delage pour le fonds de carte de la figure 2. Nos remerciements vont également à l'équipe de numérisation de l'herbier de Genève, en particulier Laurence Loze et Renate Thierstein-Andany, ainsi que Florent Martos et Véronique Andro pour la numérisation des spécimens de l'herbier de Paris. Pour leurs expertises, nous remercions enfin André Charpin et Frédéric Médail, ainsi que Martin Callmander pour ses renseignements précieux relativement aux herbiers historiques et à leur accès en ligne.

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© CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES DE GENÈVE 2019
Patrick Bungener and Daniel Jeanmonod "Les frères Soleirol, histoire séculaire d'une confusion autour d'un collecteur en Corse," Candollea 74(2), 209-216, (7 October 2019). https://doi.org/10.15553/c2019v742a9
Published: 7 October 2019
KEYWORDS
Botanical collector
Corsica
history of botany
Soleirol
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