Lacour, Pierre-Yves (2014). La République naturaliste. Collections d'histoire naturelle et Révolution française (1789–1804). Publications scientifiques du Muséum national d'Histoire naturelle, Paris, 614 pp. DOI:  http://dx.doi.org/10.15553/c2015v702a14

Depuis quelques années, le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) édite, sous la plume d'excellents historiens, une production de volumineuses monographies lui étant consacrée. Du Jardin d'utopie, ouvrage traduit de la thèse de doctorat d'Emma Spary et traitant du Jardin des Plantes et de ses naturalistes rattachés, à Penser, Classer, Administrer: pour une histoire croisée des collections scientifiques consacré en grande partie aux collections anthropologiques du Musée de l'Homme, à côté de Collections d'histoire naturelle et Révolution française (1789–1804), paru fin 2014, La République naturaliste prend sa place dans la même collection d'édition, les Publications scientifiques du Muséum national d'Histoire naturelle. Ces deux derniers ouvrages tout particulièrement questionnent, dans une dimension spatiale et temporelle, et au niveau des conditions sociales et politiques environnantes, les circonstances de la collecte des objets du Muséum. Ils témoignent du vif intérêt manifesté depuis quelques années par les historiens autour de la genèse des collections naturalistes parisiennes dans cette période faste de l'histoire naturelle française des années pré-révolutionnaires de la fin du Siècle des Lumières aux premières décennies du XIXe siècle. Un intérêt qui se voit sur le plan international, comme l'illustre encore le récent ouvrage “Of Elephants & Roses: French Natural History, 1790–1830”, qui sous l'égide de l'American Philosophical Society, se consacre également dans une large partie aux objets naturalistes du MNHN de la Révolution française à la Restauration bourbonienne.

La République naturaliste, sous la plume du dynamique historien Pierre-Yves Lacour, se focalise tout particulièrement sur la période 1789–1804 autour de la constitution des collections naturalistes du Muséum. Comme le montre l'ouvrage, l'institution parisienne est alors un centre autour duquel gravitent spécimens botaniques et zoologiques, récoltés, échangés, achetés ou confisqués dans les cabinets aristocratiques et ecclésiastiques. Un certain nombre de ces objets sont suivis dans leurs parcours particuliers. L'ouvrage s'attelle à montrer comment un processus de centralisation puis de décentralisation (pour les spécimens doubles) s'opèrent de ces objets autour du Muséum. A cette période clé pour l'histoire naturelle où s'institutionnalisent et se professionnalisent les pratiques autour de cette discipline, où Paris peut être qualifiée de capitale dans ce domaine, l'ouvrage décrit aussi de manière approfondie les réseaux complexes tissés entre les collections et institutions parisiennes et celles des provinces française (Muséum et École centrale), ainsi qu'avec celles recensées dans l'Europe savante.

Riche, extrêmement bien documenté, constitué d'un solide corps de notes de bas de page et de données bibliographiques primaires et secondaires, doté de belles illustrations, cet opus apparaît, vu dans sa globalité, comme une contribution importante sur l'historique des collections naturalistes du Muséum et la constitution des réseaux savants entre Paris, les provinces françaises et le Monde. Certes, du point de vue de sa forme, l'ouvrage apparait touffu, et il peut être difficile pour le lecteur de se plonger dans le texte s'il n'est pas actif dans le domaine. A cet égard, une numérotation de l'ensemble des sous-titres, accompagnée de divisions supplémentaires sous-titrées dans les chapitres existants parfois assez longs, aurait été la bienvenue pour aérer le texte et permettre au lecteur de mieux se repérer dans cette jungle de données. Heureusement un index des noms et de petites conclusions (malheureusement non recensées dans la table de sommaire) fermant les chapitres permettent au lecteur de s'y retrouver.