Introduction
En 1972, F. Markgraf décrivit un genre nouveau Capuronetta Markgr. ne comprenant qu'une espèce C. elegans Markgr., de Madagascar. Ni dans la description du genre et celle de l'espèce, parues dans Markgraf (1972), ni dans la «Flore de Madagascar et des Comores, Apocynaceae» (Markgraf, 1976), le fruit n'était connu; ce nouveau genre ne reposait que sur les caractères de la fleur: l'illustration qui accompagne le texte de la «Flore» montre bien la façon dont les lobes très longs sont enroulés en spirale dans le sens contraire des aiguilles d'une montre (sinistrorse), descendant dans le tube jusqu'au niveau des apex des étamines, caractère inhabituel chez les Tabernaemontanoideae. Markgraf avait distingué le genre Capuronetta des autres genres malgaches, entre autres choses, du fait de cette longue spirale formée par les lobes dans le tube de la corolle.
Nous avons également fait des coupes longitudinales et transversales, d'un bouton de Capuronetta elegans fixé dans le FAA, sur la récolte Debray 1969, qui ont confirmé l'enroulement des lobes profondément dans le tube (Allorge & Couderc, 1983: 232, tab. 4).
En 1983, Leeuwenberg a placé cette espèce dans le genre Tabernaemontana L. (sensu lato) utilisant un concept générique pantropical très large (Kisakurek & al., 1983). Comme l'épithète elegans était déjà utilisé dans le genre Tabernaemontana par une espèce africaine, il a créé le nouveau nom T. capuronii Leeuwenb. Huit ans plus tard, dans sa révision des Tabernaemontana de l'ancien monde, Leeuwenberg (1991) maintient cette espèce. Dans l'illustration qui accompagne le texte, ainsi que dans le texte luimême, il est curieux de remarquer qu'il n'est pas fait mention des lobes enroulés dans le tube de la corolle et que les lobes sont représentés comme valvaires (Leeuwenberg, 1991: 79, tab. 20). A ce stade, le fruit de l'espèce n'était toujours pas connu.
Des analyses chimiques menées sur cette espèce ont débouché sur la description de la molécule Capuronane (K) (Chardon-Loriaux & Husson, 1975). Cette molécule a depuis été retrouvée dans cinq espèces appartenant anciennement au genre Pandaca Thouars (Lim, 2008), comprises actuellement dans Tabernaemontana sensu Leeuwenberg (1991).
Dans une précédente publication (Allorge, 1985), nous avons étudié l'ornementation du tégument séminal au M.E.B. de 18 espèces et montré l'intérêt taxonomique de ce caractère. Nous y avons décrit cinq types d'ornementation: 1. avec nodules; 2. avec mailles ; 3. avec des alvéoles; 4. plissé-ridé et 5. à circonvolution plissées-ridées. La découverte d'un fruit mûr de T. capuronii nous permettrait donc de voir à quel type se rapporte le tégument de la graine et d'en tirer des conclusions taxonomiques.
Jusqu'à récemment, T. capuronii n'était connu que par six échantillons récoltés dans la forêt d'Analalava, près de Foulpointe dans la Province de Toamasina. Nous avons depuis identifié une récolte supplémentaire de l'espèce également récoltée à Analalava (Lehavana & al. 34). Cette récolte comporte cinq méricarpes de fruits à plusieurs stades de développement. Un seul était ouvert par la fente de déhiscence, donc mûr. Nous sommes retournés à trois reprises dans la forêt d'Analalava, du 29 janvier 2009 au 2 mai 2010, pour essayer de retrouver la plante à l'état fertile afin de récolter des échantillons supplémentaires: sans succès, l'arbuste était stérile. Nous avons néanmoins fait une récolte (Aubriot, Allorge & Lehavana 174), assortie d'un prélèvement de feuille en vue d'une analyse moléculaire ultérieure.
Description du fruit
Les fruits secs comportent un ou deux méricarpes, longs de 3.3-3.5 × 2.5 cm plus ou moins globuleux (globuleux s'il n'y a qu'un seul méricarpe, triangulaires s'il y en a deux), un peu récurvés, à deux lignes latérales et à petit apex pointu de moins de 1 mm. Les graines, noires, ont un testa de type plisséridé. Elles sont entourées d'un arille blanc translucide (Fig. 1). La couleur de cet arille est très rare parmi les espèces de Tabernaemontaneae de Madagascar, où il est généralement soit jaune, soit orange (comme chez Voacanga thouarsii Roem. & Schult.), soit rouge. Seule l'espèce Tabernaemontana retusa (Lam.) Palacky (= Pandaca retusa (Lam.) Markgr.) possède également un arille blanc translucide (Fig. 2).
Conclusions taxonomiques
Par la forme et la consistance du fruit, par le testa plisséridé et surtout par la présence de la molécule Capuronane (K), la position systématique de cette espèce la rapproche de celles autrefois comprises dans le genre Pandaca. Au cas où il s'avèrerait judicieux de revenir à une conception plus étroite des genres dans ce groupe, cette espèce serait vraisemblablement à classer dans ce genre, endémique de Madagascar.
Conservation
Avec des zones d'occurrence (EOO) et d'occupation (AOO) de < 10 km2, et une seule sous-population connue uniquement de la zone protégée d'Analalava, T. capuronii est provisoirement considérée comme «En Danger» [EN C2a(ii); D] selon les Catégories et Critères de la Liste Rouge de l'UICN (2001) (calculé selon Callmander & al., 2007). L'espèce n'est pas commune à Analalava, et une étude rapide menée en 2004 a indiqué que la population est limitée aux substrats latéritiques (qui ont une superficie d'environ 100 ha dans la réserve) où elle comprend 28 individus/ha en moyenne, dont à peu près 2% étaient mâtures (critère indispensable pour l'évaluation UICN). Cette information suggère que la population entière doit comprendre moins de 250 individus mâtures dans une même sous-population, ce qui permettrait de considérer l'espèce comme «En Danger Critique» [CR C2a(ii)], mais nous estimons que l'étude n'était pas assez rigoureuse. Un nouveau recensement de l'espèce devrait être établi en urgence.
La forêt littorale d'Analalava a un statut de réserve temporaire sous tutelle du Missouri Botanical Garden depuis 2004. La forêt a une superficie de 225 ha, elle est située au sud de l'embouchure du fleuve Onive, près de la ville de Foulpointe, à environ 6 km de la mer. Elle représente une des dernières parcelles intactes de forêt littorale de la Côte Est, une zone qui a été fortement affecté par la population humaine pendant des nombreuses décennies. Autour de la forêt de Analalava, la végétation naturelle est fortement dégradée, et contient principalement des espèces pionnières ou secondaires, et peu d'espèces de forêt primaire. Ce statut devrait permettre la préservation de cette espèce endémique, qui donne peu de fleurs et peu de fruits, et n'est connue que de cette seule localité à Madagascar.
Spécimens étudiés. — Madagascar. Prov. Toamasina: Reg. Analanjirofo: Analalava, 17°42'19”S 49°27'19”E, 2.V.2010, st., Aubriot, Allorge & Lehavana 174 (P, TAN); idem, 22.VI.1973, fl., Debray 1969 (WAG); idem, [17°41'S 49°27'E], 5.VII.1952, st., Debray 1808 (P, TAN); idem, 3.XII.1985, Leeuwenberg 13765 (BR, MO, P, TAN, WAG); idem, 17°42'19”S 49°27'29”E, 131 m, 21.IV. 2004, fl., Lehavana 79 (MO, TAN); idem, 17°42'16”S 49°27'29”E, 543 m, fr., 17.III.2005, Lehavana & al. 348 (MO, P, TAN); idem, [17°41'S 49°27'E], s.d., fl., Service Forestier 7059 (P); idem, [17°41'S 49°27'E], 10.III.1965, fl., Service Forestier 24059 (TEF).
Nom vernaculaire; usage. — Voantsokina. Emploi du latex contre la cataracte. (Aubriot & al. 174); Antafana (Lehavana & al. 348).
Remerciements
Nous remercions Chris Birkinshaw, Martin Callmander et Pete Phillipson (Missouri Botanical Garden) de leur aide.